Cher Xavier,
Voilà des remarques que je fais sur ce livre après ma première lecture. Je le fais avec la visée d’une critique effective que je cherche à rendre constructive. Ma critique est subjective : c’est ma réaction, mon ressenti que je cherche à rendre intelligible.
Je commence par reformuler globalement ce qui m’apparaît de ton livre après cette lecture. Je dis où j’en suis et d’où je parle pour formuler ainsi ce qui suit. J’essaie de voir dans quelle mesure ce texte répond à un objectif de vulgarisation. Enfin, je fais des propositions.
A toi de voir ce que tu fais de tout ça.
Ce panoramique historique de tes dévoilements successifs montre ta démarche et son enracinement, ainsi que sa validité et sa cohérence. C’est bien là un prétexte aux textes qui suivent (Livre & et Livre 2), en cours d’actualisation par toi, par le Groupe Béna et par tes partenaires divers, proches de tout poil.
Ce texte montre tes intuitions, canalisées par la grande intuition finale d’une compréhension-conciliation du « Tout ». Enraciné dans ta foi, ce texte montre ton travail assidu. Il montre comment tu l’ancres au contact du réel vécu au quotidien et vécu aussi à un autre niveau par les scientifiques. Par ces perceptions complémentaires, l’intuition et les sens, ce livre peut donc bien donner un autre regard sur ce réel et il peut rendre ce regard crédible.
Ce texte se déploie sur les registres de l’intelligence et du sentiment. On est dans le sentiment à travers le faire part sensible de tes expériences et de ton cheminement et par les valeurs qui sont mises en avant explicitement ou non, discernement, vérité, foi, confiance par exemple. Et on est dans l’intelligence par les démonstrations ébauchées ? celles-ci annoncent le livre 1, scientifique. Lui-même ouvrant au livre 2, applicatif.
Par sa présence sur ces deux registres de la rigueur et du ressenti, ce Livre 0 peut bien rencontrer chacun dans sa sensibilité, ses valeurs et son intelligence. Il peut donc motiver, notamment à faire l’effort d’approfondir.
Ce Livre Zéro arrive dans la disharmonie et la tension actuelle de notre monde devenu village. Il y propose une autre compréhension de l’évolution et du changement. Ton texte, qui vise à contribuer et faciliter un autre accordage sur le sens, nous introduit dans un autre monde de compréhension, prenant racine dans le « déjà-ancien monde » et ouvrant à une autre croissance.
Explicitatif et déjà explicatif, ton texte montre la voie. Tu nous donnes là une possibilité –une envie- de nous accorder sur un niveau supérieur de savoir. Il nous laisse en même temps libres de notre choix, liberté paradoxale qui est un fondement même de cette épistémologie nouvelle.
Cependant le livre ne nous donne pas les moyens pratiques, il faut attendre le livre 2, tourné vers les applications ! Ou œuvrer dans son coin pour faire pour soi-même son « petit livre 2 » applicatif ! Le Livre 3 serait-il alors celui, écrit par chacun, de notre vécu au quotidien, déroulant ses chapitres et ses pages de vie ?
Tu es habité –hanté même !- par ce que tu écris. Et tu habites cet ensemble que tu aimerais nous dévoiler. Tu vis cet habitat intensément. Tu y es serein, dans l’assurance que donne ce savoir inouï. Et en même temps, tu vis semble-t-il dans une forme d’angoisse ou d’interrogation d’arriver au terme, qui est en final la transmission de jusqu’où tu auras pu aller : arriveras-tu a te faire entendre, sur cet in-ouï là -pourtant ancestral- fondamental et fondateur ? Et cela avec le temps qui passe… Cette question t’habite !
Tu parles de vulgarisation. Mais on en est encore loin !!! Le vulgum pecus que je suis n’est pas éclairé d’emblée par tes propos : l’effort fait pour suivre les développements du livre, occulte une compréhension immédiate lumineuse.
J’apprécie et je comprends bien tes descriptions factuelles sur tes expériences qui t’ont fait avancer. Je comprends aussi d’autres développements. Et en même temps, j’ai (parfois et souvent et toujours) du mal à te suivre dans tes développements « techniques », alors même que tu voudrais qu’ils soient simplifiés, sinon simples. Je galère toujours pour te suivre, même dans ce souci de vulgarisation que tu manifestes pourtant !
Je dirai que si je galère, c’est d’abord pour une raison qui m’appartient : je n’ai pas fait à ce jour l’effort de rentrer dans une compréhension fine et logique de tes textes antérieurs. Je suis resté jusqu’à présent à un niveau philosophique et humaniste, plus que scientifique et technique. Jusqu’à présent, j’ai escamoté ou n’ai pas voulu retenir les développements techniques ou scientifiques, ou je n’ai pas fait l’effort, en y prenant le temps, de m’astreindre à approfondir. Dire cela, c’est déjà dire que ton texte nécessite que l’on soit prêt, apte à le lire : avoir un esprit assez délié et déjà nourri de plein de choses. Et même avec cette condition remplie, c’est un effort de te lire, dans certains développements pourtant fondamentaux.
Cela me fait dire que ton texte invite plus à un dépassement personnel, avec l’effort que cela implique, qu’à une réelle compréhension immédiate et enthousiasmante.
Heureusement, cette invitation à un dépassement de son savoir est étayée par l’objet du livre et par l’enjeu qu’il pointe : on peut être stimulé pour chercher à comprendre et faire l’effort. C’est d’ailleurs bien pour cela que je t’ai rendu visite en 1991 à Béna, quand Thiébault Moulin m’a parlé de toi, alors que je travaillais en systémique sur une ternarité issue de Stéphane Lupasco et des niveaux logiques de Grégory Bateson (cela dans le cadre du développement personnel et collectif qui est ma préoccupation majeure). Et c’est pour cela que ton travail m’inspire depuis pour ma propre recherche sur l’action humaine et le leadership. Comme tu le sais, je veux être sûr que ce que j’avance dans mon domaine s’enracine dans du juste, du vrai et de l’humain. J’aimerais être sûr que les modèles ne « flottent pas en l’air » au grès d’intérêts partisans ou particuliers pas toujours clairs, conscients et avoués voire avouables.
Il n’empêche que derrière cet effort personnel auquel invite ton travail, il y a toujours à faire un effort de vulgarisation. Comment ? Par qui ? Quand ?
Il y a une autre raison à ma difficulté. Elle est déclenchée par ta densité de pensée.
Ta cohérence est nourrie de tout ce parcours que tu exposes, où l’immensité et l’insondable de la mer ont joué leur rôle. Parcours qui a construit en toi cette richesse et ce foisonnement ordonné, nouveau, toujours vivant et en croissance. Sans te faire mousser, tu montres que tu es à l’antipode de faire de la mousse à partir de la mousse de connaissance existante, sous couvert de décodage de la complexité ! Pourtant ton apport, même centré et concentré, est comme foisonnant par rapport aux bases de la connaissance actuelle. C’est un nouveau monde à comprendre, à partir de l’ancien, que tu présentes. Et nous sommes souvent peu déliés pour déjà comprendre l’ancien ! Quelle pédagogie mettre en place, face à ce constat ? Comment créer en nous les représentations nouvelles qui vont avec cette avancée ?
Probablement que ce que tu explicites pour nous dans ce livre 0 est pour toi de l’ordre de la connaissance "vulgaire", tellement tu as creusé et approfondi ta connaissance depuis des décennies. Alors bien sûr, l’explicitation de cet approfondissement nécessite un livre 1 pour être dit dans sa complétude et sa rigueur. Cependant, tu n’en as peut-être pas conscience, mais pour pouvoir lire ce livre 0, les pré-requis nécessaires sont nombreux : pour être explicités, ils nécessiteraient un livre 00 de vulgarisation, voire un livre 000 en amont ! Tout un apprentissage, en cascade ! Dans lequel il faudrait aussi pointer ce qu’il n’y a pas lieu d’apprendre car du paradigme déjà-ancien.
Tu veux nous montrer ce qui est à la base, au départ du départ, et qui somme toute est assez simple. Mais pour ça, tu décris et écris à partir de nombreux présupposés qui ne sont pas explicités ni évidents à satisfaire, d’après moi, pour le vulgum pecus. T’en rends-tu compte ?
Or, un travail de vulgarisation consiste bien a rencontrer les gens là où ils sont, avec leurs connaissances, leur structure et leur fonctionnement, leurs enjeux personnels et partagés. Un travail de vulgarisation consiste à les faire avancer un peu, à partir de ce point là, à partir de ce qu’ils vivent sans qu’ils ne s’en rendent vraiment compte, et de là, faire qu’ils se motivent pour aller plus loin, par eux-mêmes, dans un effort personnel qui leur aille. Cet aspect de la vulgarisation consiste donc, à partir de ce que chacun vit, à lui faire prendre conscience en quoi s’enracine ce vécu-là, pour que cela fasse sens pour lui et le mette en mouvement, dans le « bon sens » pour lui. Ca veut dire qu’un travail de vulgarisation, pour qu’il y ait appropriation, doit comporter une vision enthousiasmante, pour chacun, même si le chemin pour y arriver peut s’annoncer comme rude.
En final, je m’aperçois que je ne sais pas bien dire l’effet de ce livre. Car aussi je ne suis pas vierge de lectures venant de toi.
Je crois que ton livre montre bien sûr quelque chose de majeur, de nouveau, de pertinent…etc.
Ton livre existe ; il a de la hauteur et de la tenue. On peut y sentir un souffle.
Mais il manque pour moi de force, de puissance, d’impact, de ce quelque chose qui fait que l’on est tenu en haleine, un peu comme quand on lit un thriller captivant (comme par exemple avec le « Da Vinci code » ! même si on peut contester le contenu de ce livre) ; cela, alors même que l’objet du livre pourrait soulever un bel enthousiasme.
Et dans ce que tu veux générer en nous comme compréhension, on se prend un peu les pieds dans le tapis.
Pour faire du « trine », je dirai :
tu as pris le temps de pondre quelque chose ; ça se manifeste et prend corps dans le paysage,
on sent la force et un attrait là-dedans , mais on a du mal à « fusionner » avec, en toute indépencdance,
peut-être car on peut se sentir un peu perdu dans l’espace que tu ouvres ; on est toujours dans la confusion pour comprendre et appliquer : une clarté manque encore pour illuminer l’espace.
Comment accorder tout ça ?
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